Démystifions les aires protégées

Augmenter la proportion de territoire protégé fait partie des cibles gouvernementales au niveau fédéral et provincial. Pour atteindre les objectifs fixés, la création d’aires protégées terrestres ou marines reste la principale solution. Qu’est-ce qu’une aire protégée ? À quoi sert-elle ? Ce premier article d’une série de deux démystifie le concept d'aire protégée et dresse un état des lieux vulgarisé au Canada, au Québec et au Nouveau-Brunswick.

De quoi parle-t-on ?

L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature, l’autorité mondiale en matière de statut du monde naturel et des mesures pour le sauvegarder définit les aires protégées comme suit :

« Un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés. »

Les aires protégées sont souvent créées pour protéger les écosystèmes rares, menacés ou en danger, ainsi que pour préserver les sites culturels et historiques importants. L’UICN a élaboré un système reconnu mondialement pour la classification des aires protégées en six catégories. Celles-ci sont des outils importants pour la planification, la création et la gestion des aires protégées. Ensuite, chaque État définit une désignation juridique ou administrative compatible avec les objectifs de l’aire protégée.

Au Québec par exemple, le réseau des aires protégées est réglementé et géré en fonction de 32 désignations juridiques ou administratives reconnues sous la responsabilité de diverses instances gouvernementales, personnes morales ou individus.

Ex. : parc national du Québec, refuge biologique, réserve de biodiversité, etc.

À quoi sert une aire protégée ?

En contribuant à la conservation de la nature et au maintien de la diversité biologique, les aires protégées apportent une grande variété de bénéfices environnementaux, écologiques, scientifiques, socioculturels et économiques. Voici une liste non exhaustive :

●      Conservation de la biodiversité ;

●      Sources de services écosystémiques (ex. : production oxygène, régénération des sols, purification des cours d’eau, filtration de l’air) ;

●      Outils essentiels pour l’adaptation aux changements climatiques ;

●      Laboratoires en milieu naturel qui font progresser la science, la recherche et l’éducation ;

●      Les aires protégées accessibles au public participent à l’amélioration et au maintien de la santé physique et mentale des citoyens ;

●      Opportunités de diversification économique pour les régions par le tourisme et le récréotourisme ;

●     Préservation des valeurs culturelles d’un territoire.

Quand protection de la biodiversité rime avec protection des traditions

Depuis février 2021, le gouvernement du Québec a introduit un nouveau concept : les aires protégées d’initiatives autochtones. Ce concept permet aux communautés autochtones de proposer des projets sur leur territoire afin d’y conserver des éléments de la biodiversité et de leur culture.

C’est le cas de la communauté innue de Pessamit sur la Côte-Nord qui réclame la création d’une aire protégée sur leur territoire ancestral afin de sauver l’habitat des derniers caribous forestiers. Animal sacré pour la communauté, le caribou forestier est au cœur de la langue, culture et des traditions des Innus de Pessamit. Plus que la sauvegarde des caribous forestiers, ils réclament donc la sauvegarde d’un territoire sur lequel ils peuvent poursuivre leurs pratiques traditionnelles.

La régulation des activités dans une aire protégée

Les aires protégées ne sont pas toutes synonymes de « cloche de verre ». En fait, la plupart des catégories autorisent des activités commerciales à « faible incidence » à condition que des mesures de surveillance ou de gestion préviennent les répercussions sur la biodiversité. Parmi les usages autorisés, notons par exemple :

✔     Recherches et explorations scientifiques visant à mieux comprendre l’environnement ;

✔     Construction de sentiers non motorisés, de traversées de cours d’eau ou d’infrastructures d’arrière-pays pour atténuer les effets des activités de loisir ;

✔    Structures mineures en soutien à l’éducation et au tourisme basé sur la nature.

Cependant, la conservation de la nature reste prioritaire :

« Toute activité réalisée dans une aire protégée doit préserver le caractère biologique essentiel de cette dernière. En cas de conflit entre différents objectifs de gestion, la conservation de la nature est prioritaire. » UICN

Bien que la population puisse continuer à profiter d’activités comme la randonnée, le camping et la chasse dans ces aires protégées, les activités industrielles comme la coupe de bois, l’exploration minière, l’exploitation de carrières et l'aménagement du territoire sont interdites .

État des lieux : un sujet épineux et d’actualité

Aujourd’hui où en sommes-nous en termes d’aires protégées ? Tour d’horizon des cibles et enjeux pour la création des aires protégées au Canada, Québec et Nouveau-Brunswick.  

Des cibles ambitieuses

Au Canada, à la fin 2021, 13,5 % des zones terrestres et des eaux intérieures du Canada étaient reconnues comme étant conservées grâce à des réseaux d’aires protégées (12,6 %) et d’autres mesures de conservation efficaces par zone. C’était en dessous de son objectif de 17 % d’ici 2020.

Aujourd’hui, le principal objectif du Canada est d’atteindre 25 % des terres et 25 % des océans du pays conservés d’ici 2025, et 30 % d’ici 2030 en ligne avec les objectifs internationaux fixés lors de la COP15 par l’adoption du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal.

Même ambition à l’échelle provinciale pour le Québec qui s’est engagé clairement vers l’atteinte de 30 % d’aires protégées d’ici 2030. En décembre 2020, c’est pourtant de justesse que le Québec atteignait son précédent objectif de conservation de 17 %. L’objectif a notamment été atteint grâce à la désignation de plusieurs dizaines de réserves de territoires aux fins d’aires protégées (RTFAP), une étape préalable à ce que leur statut légal soit confirmé.

Cependant le Québec fait face à un enjeu majeur : la répartition de ses aires protégées sur son territoire. En effet, la majorité des nouvelles aires protégées sont au nord du 49e parallèle ce qui freine l’atteinte de l’objectif d’un réseau représentatif de la biodiversité du territoire. Dans le même temps, 83 projets d’aires protégées pour la plupart au sud du Québec n'avaient pas été retenus en décembre 2020. Depuis, les choses ont un peu évolué avec l’annonce en février 2022 de 10 nouvelles aires protégées au sud de la province.

Au Nouveau-Brunswick, la cible de 10% pour 2023 a été atteinte notamment grâce à la désignation par le gouvernement provincial de plus de 270 000 hectares supplémentaires de nouvelles aires protégées.

Les freins et enjeux à la création d’aires protégées

Plusieurs facteurs freinent la création d’aires protégées et l’atteinte des cibles fixées. Voici quelques enjeux les plus fréquents auxquels font face les porteurs de projet :

●     Le lobbyisme des industries extractives. Les industries extractives, telles que la foresterie ou les mines, peuvent avoir des intérêts économiques importants dans des zones d’aires protégées. Par conséquent, elles peuvent influencer les décisions politiques pour empêcher la création d’aires protégées. Au Québec, cette résistance est forte surtout au sud du 49e parallèle avec l’industrie forestière qui fait craindre des pertes de revenus et d’emplois.

●      Des communautés locales aussi engagées… que résistantes ! La création d’aires protégées peut entraîner la relocalisation des populations locales, la limitation de leurs activités économiques et l’expropriation de leurs terres, ce qui peut engendrer une résistance de la communauté locale. Dans le même temps, la grande majorité des projets d’aires protégées sont initiés par la communauté.

●     Le processus est long : 10-15 ans en moyenne et pouvant mener à l’essoufflement des projets" par "Le processus est long, 10 à 15 ans en moyenne,  pouvant mener à l’essoufflement des projets.

Conclusion

La création d’aires protégées au Canada est donc une question brûlante dans l’actualité et une priorité dans un contexte de résilience face aux changements climatiques. Afin d’atteindre ces objectifs ambitieux, de nombreux intervenants se mobilisent et du financement est disponible. La Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP) et ses antennes régionales est notamment un organisme qui joue un rôle de chef de file de la conservation au Canada grâce à son expertise, ses activités de sensibilisation du public et de défense des intérêts.

Et le tourisme dans tout ça ?

Restez à l’affût de notre prochain article qui approfondira le lien entre aires protégées et tourisme et présentera quelques bonnes pratiques de gestion pour un tourisme durable dans les aires protégées !

Comment TouriScope peut vous aider ?

Un projet de création d’aires protégées ?TouriScope et ses partenaires peuvent vous aider !

✔     Étude de marché

✔     Étude de (pré)faisabilité

✔     Étude d’opportunité et de potentiels de développement

✔     Étude de retombées

Sources

UICN. Gestion du tourisme et des visiteurs dans les aires protégées. Lignes directrices pour la durabilité. 2019.

La Semaine Verte. Épisode du samedi 12 mars 2022 [Vidéo]. Radio Canada.

Bilodeau, Maxime. Les Innus à la rescousse du caribou forestier.(2022, 10 mars). Unpointcinq.

Parcs Canada. Le gouvernement du Canada progresse vers l’objectif de créer 10 aires marines nationales de conservation grâce à une nouvelle orientation en matière de politique. (2023, 3 février). Communiqué de presse.

Environnement et Changement climatique Canada (2022) Indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement : Aires conservées au Canada. Consulté le 1er mai 2023.

Nature Québec. L’Après-2020 des aires protégées. (2021, 5 octobre).

Radio Canada. Québec atteint sa cible d’aires protégées. (2020,17 décembre).

Canadian Parks and Wilderness society – New-Brunswick Chapter. La plus grande augmentation des aires protégées de l’histoire du Nouveau-Brunswick est un cadeau pour la nature. (2022, 13 décembre).

Photo: Lukasz Szmigiel sur UnSpalsh

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